Jasons stéréotypes
Nous travaillons à faire de nos écoles de langue française des lieux d’ouverture. Des milieux respectueux et inclusifs. Des endroits qui favorisent l’épanouissement et le développement du plein potentiel de chacun. En ce sens, on connaît tous et toutes l’importance de lutter contre les stéréotypes. Mais ce que l’on connaît moins, c’est l’un de ses effets: «la menace du stéréotype». Il s’agit d’une charge émotive et cognitive qui crée une barrière, parfois subtile, au réel accueil de chaque élève et de chaque collègue. Comment ça se fait? Qu’est-ce qu’on peut faire pour neutraliser ses effets négatifs? Comment réellement favoriser le bien-être de chaque individu dans nos écoles?
Cet extrait de la conférence «Et si les stéréotypes avaient des effets insoupçonnés», enregistrée lors du congrès virtuel 2021 de l’ACELF, nous offre plusieurs pistes de réponse. Elle a été présentée par Nathalie Sirois, une Franco-Ontarienne engagée dans l’établissement et l’entretien de milieux d’apprentissages équitables et socialement justes.
C’est quoi un stéréotype?
Un stéréotype, «c’est la fausse idée que l’on connaît déjà quelque chose, qu’on sait déjà c’est quoi», vulgarise Nathalie. On pourrait le décrire comme une «économie de la pensée». Les stéréotypes sont «des images identitaires sursimplifiées et figées qui généralisent les caractéristiques de certains individus à un groupe sociodémographique en entier», explique-t-elle. Il s’agit de clichés, d’idées toutes faites qu’on associe à des gens. Et «elles flottent un peu dans l’air du temps. On les absorbe, souvent sans trop vraiment s’en rendre compte», précise-t-elle.
«En tant que francophone en contexte minoritaire, on peut soi-même connaître ce que c’est de vivre les stéréotypes. C’est quelque chose qui peut s’appliquer à différents groupes de personnes», ajoute Natalie.
Pourquoi ça devrait attirer notre attention?
Les stéréotypes peuvent engendrer un effet particulièrement préoccupant chez nos élèves, nos collègues et soi-même: la «menace du stéréotype». C’est un phénomène qui «se traduit par la baisse de performance d’un individu par crainte de confirmer un stéréotype négatif ciblant son groupe d’appartenance», explique la conférencière.
Comme quoi? Nathalie donne l’exemple d’une situation expérimentale réalisée auprès de jeunes filles asiatiques. Ces dernières devaient passer un test de mathématiques. Lorsqu’on leur rappelait leur ascendance ethnique avant le test, évoquant le stéréotype selon lequel «les personnes asiatiques sont meilleures en mathématiques», leurs résultats augmentaient. Lorsqu’on leur rappelait leur genre, évoquant le stéréotype selon lequel «les filles sont moins bonnes en mathématiques», leurs résultats au test diminuaient. Oui. Il suffisait juste d’en parler pour que l’effet se produise.
C’est donc dire que les stéréotypes ont des effets sur nous-mêmes. Et peut-être bien plus qu’on peut le penser. «Il n’est même pas nécessaire qu’on croie au stéréotype pour que cet effet-là ait lieu. C’est seulement nécessaire que je [sache] qu’il y ait un stéréotype qui existe au sujet d’un aspect de ma personne et que, [sur un sujet ou dans un domaine lié à ce stéréotype,] mon rendement ou ma performance me tienne à cœur», précise Nathalie.
Et la construction identitaire là-dedans?
«La construction identitaire francophone se construit dans un milieu particulier. Et nos caractéristiques personnelles et sociodémographiques ont une interaction avec tout ça. C’est important qu’on puisse y penser en ces termes-là », explique Nathalie. La menace du stéréotype «semble survenir particulièrement dans le cadre du processus de prise de conscience identitaire, c’est-à-dire à l’âge scolaire», ajoute-t-elle.
La menace du stéréotype est ainsi un effet important à prendre en compte dans nos actions pour favoriser la construction identitaire francophone des élèves. Ce phénomène a carrément une influence sur le développement identitaire de nos jeunes et a notamment un impact sur leur sentiment d’appartenance. Par ailleurs, son effet a tendance à perdurer dans le temps.
Prioriser le bien-être de nos élèves
Qu’est-ce qu’on peut faire? Comment neutraliser les effets de la menace du stéréotype chez nos élèves pour favoriser leur bien-être? Dans sa conférence, Nathalie propose différentes pistes de solutions. En voici trois exemples:
- En discuter franchement. Aborder le sujet de front en parlant «aux élèves du phénomène de la menace du stéréotype et de son fonctionnement. Dites-leur spécifiquement que vous allez travailler ensemble pour apprendre comment ne pas tomber dans ce piège», conseille-t-elle. Parce que prendre conscience du phénomène, c’est déjà un pas dans la bonne direction.
- Rassurer les élèves et les inviter à persévérer. Parce que celles et ceux qui sont aux prises avec la menace du stéréotype peuvent craindre que leurs difficultés confirment un stéréotype. «L’effort à déployer pour réussir un apprentissage n’est pas un signe de notre capacité ou non à réussir. Quand il faut qu’on travaille fort, même si on échoue au début, ce n’est pas un signe qu’on ne [pourra pas y arriver] », souligne-t-elle.
- Donner confiance aux élèves. Par exemple en créant un mantra positif à répéter en classe. «Trouvez un moyen pour que chaque personne sente qu’elle a vraiment sa place. Parce que l’une des choses qu’[éprouvent les personnes qui vivent] la menace du stéréotype, c’est avoir l’impression d’être un imposteur, que ce n’est pas vrai qu’on veut de nous», explique aussi Nathalie.
Avancer ensemble
Adoptons une autre vision. Laissons tomber les idées préconçues, dans nos classes, et dans nos vies. Croyons en notre capacité de réussir et de se réaliser. Soyons de bons guides pour nos élèves afin de les aider à se sentir bien. Et ainsi leur offrir les meilleures conditions afin de construire leur identité francophone avec confiance, ouverture et fierté.
La francosphère en action
Inspirer. Informer. Donner tout plein d’idées. Notre blogue met en valeur les meilleures pratiques en matière de construction identitaire pour alimenter la francosphère.