Comment cultiver le bien-être à l’école?
La pandémie a poussé nos écoles à voir les choses sous d’autres jours. À mettre en lumière certaines réalités qui demeuraient parfois dans un angle mort. Le bien-être à l’école est l’un de ces sujets-là. De plus en plus, on prend conscience de son importance. On souhaite installer un climat positif pour favoriser l’épanouissement de nos jeunes et les aider à être bien. Mais qu’est-ce que c’est, exactement, le bien-être à l’école? Qu’est-ce que ça apporte? Et comment est-ce qu’on peut réellement le favoriser? On a justement posé ces questions à une spécialiste: Nadia Rousseau.
Nadia est directrice du Réseau de recherche et de valorisation de la recherche pour le bien-être et la réussite en contexte de diversité (RÉVERBÈRE). Elle est doctorante de l’Université de l’Alberta en psychopédagogie et professeure à l’Université du Québec à Trois-Rivières. C’est aussi l’une des membres du comité de rédaction de la revue Éducation et francophonie, publiée par l’ACELF. En marge de sa conférence «Le bien-être à l’école, il faut en parler!», présentée lors de notre congrès virtuel 2021, elle nous aide à démystifier ce sujet brûlant d’actualité.
Vivre des émotions positives
Premièrement, c’est quoi le bien-être à l’école? Plusieurs définitions sont possibles, nous explique Nadia. Dans ses travaux de recherche, «le bien-être à l’école, c’est les élèves qui le définissent, au sens où il s’agit de quelque chose de subjectif. Il découle de l’expérience des élèves. Néanmoins, le bien-être à l’école est souvent associé à des émotions positives qui sont vécues à l’école», poursuit-elle. «Les élèves diraient que le bien-être à l’école, c’est d’avoir du plaisir. De vivre des émotions telles que de la fierté. De vivre des réussites. D’être bien avec ses ami(e)s. D’être bien avec ses enseignant(e)s… On est donc dans quelque chose de très subjectif, qui relève du ressenti des élèves», nous explique la chercheuse.
Favoriser la réussite scolaire
Pourquoi est-ce important de se préoccuper du bien-être de nos élèves en contexte scolaire? «Les élèves qui se disent être bien à l’école réussissent mieux, répond d’emblée Nadia. Ça a une incidence sur la qualité de l’engagement scolaire. Ça a aussi une incidence sur l’investissement que l’élève donne à l’école ou dans ses études. Et ça a une incidence sur la persévérance scolaire.»
La chercheuse explique que les jeunes qui vivent des difficultés à l’école, mais qui s’y sentent bien, ont davantage envie de persévérer. Cela se manifeste notamment par le sentiment d’être accepté(e), de sentir qu’on est là pour nous aider, d’avoir l’impression que l’on reconnaît ses progrès, précise-t-elle. «Puis, à l’inverse, le mal-être à l’école amène un désengagement chez l’élève et, bien entendu, encore plus de défis entourant toute la question de la persévérance scolaire». Elle explique que ce mal-être peut se manifester chez l’élève par «le sentiment d’être inadéquat(e), d’être incompétent(e), de ne pas être aimé(e), de ne pas être apprécié(e), d’avoir l’impression qu’on ne réussira jamais, qu’on ne sera pas capable», ajoute-t-elle.
Viser des effets durables au bénéfice de la construction identitaire des jeunes
Dans nos écoles de langue française, le sentiment d’être bien à l’école peut aussi avoir des impacts à long terme, notamment sur la construction identitaire francophone des élèves. Parce qu’il s’agit, ici aussi, d’une question de persévérance. En étant bien à l’école de langue française, nos jeunes auront envie de continuer à vivre leur francophonie. De travailler à la valoriser. Et donc de lui faire une place de choix dans leur vie.
«L’élève qui est bien dans sa francophonie aura envie de demeurer dans cette communauté et de s’y engager. Et c’est là où le bien-être devient un enjeu important. Le bien-être renvoie à toute la question de l’affectivité, des émotions. Alors, plus l’élève a des émotions qui se vivent de façon positive, plus il a envie [de poursuivre ses efforts]», commente Nadia. Et les émotions positives en alimentent d’autres, explique-t-elle, en soulignant les effets durables possibles lorsqu’on cultive le bien-être à l’école. La persévérance mène à l’engagement, et «plus on s’engage, plus on se réalise. Plus on se réalise, plus on [développe un sentiment de fierté]. Plus on [ressent cette fierté], plus on est dans une balance positive. Il y a, à travers tout ça, une espèce d’engrenage qui mobilise», ajoute la professeure.
Créer des liens avec les élèves
Valoriser le bien-être à l’école a donc des répercussions positives importantes. Mais comment s’y prendre? Comment, en tant qu’enseignante ou enseignant, favoriser le bien-être des élèves? Est-ce qu’il existe des trucs? «La première réponse que je donnerais, c’est de bâtir la qualité de la relation enseignant(e)-élève», mentionne Nadia. «Pour bâtir une relation enseignant(e)-élève de qualité, les jeunes nous parlent de dimensions d’ordre relationnel en premier lieu. C’est-à-dire: se préoccuper des élèves indépendamment de qui ils [ou elles] sont. Les saluer. Prendre le temps de les connaître. S’intéresser à eux [et à elles] en tant que personne, mais aussi s’intéresser à ce qu’ils [et elles] vivent lorsqu’il y a des difficultés», explique Nadia. Il s’agit là d’un premier volet. Pour être bien en classe, se sentir soutenu par son enseignante ou son enseignant, c’est important pour les élèves.
«Le deuxième volet, toujours dans la relation enseignant(e)-élève, est au niveau de stratégies plus pédagogiques», ajoute la chercheuse. Les enseignantes et enseignants qui aiment enseigner, qui y trouvent du plaisir et qui rendent les contenus vivants favorisent notamment le bien-être des élèves. Il s’agit d’adopter une approche qui vise à construire les apprentissages, non pas «dans une perspective réussite-échec: «on va apprendre pour réussir l’examen» mais plutôt dans la perspective d’apprendre pour s’améliorer. C’est là deux perspectives vraiment différentes. Et c’est probablement la plus grande piste à mettre de l’avant», souligne Nadia.
Installer un climat de bien-être en classe
Voilà qui est clair. Cultiver le bien-être des jeunes en classe, c’est à notre portée. Il suffit d’y mettre le temps. D’y porter une attention continue. Et de tourner notre approche vers ce qui motivera vraiment le sentiment d’accomplissement de nos élèves. D’autres notions et trucs pour les aider à se sentir bien sont d’ailleurs à découvrir dans cette vidéo de la conférence de Nadia Rousseau. La professeure y fait d’ailleurs le pont entre la recherche et la voix des jeunes. Nous vous invitons également à expérimenter quelques courtes activités clés en main dans cette lignée, notamment pour accueillir les jeunes, développer un climat de confiance et favoriser leur bien-être. Parce qu’après tout, quoi de mieux que des élèves heureuses et heureux à l’école pour nous faire sentir, nous aussi, vraiment bien?!
La francosphère en action
Inspirer. Informer. Donner tout plein d’idées. Notre blogue met en valeur les meilleures pratiques en matière de construction identitaire pour alimenter la francosphère.