Page Chartrand: 100% autochtone, 100% francophone!
«Je pense que l’éducation est cruciale. L’Organisation mondiale de la Santé a déterminé que le facteur principal pour améliorer la santé des populations en général, dans le monde, c’est l’éducation. Ce n’est pas le nombre d’hôpitaux, le nombre de médecins, le nombre d’infirmières, c’est vraiment d’apprendre aux gens… de les outiller à se développer.»
Celui qui parle ainsi est nul autre que Stanley Vollant, le premier chirurgien innu dans l’histoire du Québec. Mais il n’est pas seul. Autour de lui, il y a des Roméo Saganash, Andréanne Dandeneau, Élisapie Isaac et Natasha Kanapé Fontaine. Il est député; elles sont designers, chanteuses et poètes. On les entend, on les voit, on les applaudit. Ils s’expriment, travaillent et créent en innu, en inuktitut, mais aussi en français ou en anglais. Leur bagage identitaire est riche de leur appartenance, soit autochtone ou métissée.
Élève au Collège Notre-Dame, à Sudbury, dans le nord-est de l’Ontario, Page Chartrand, une jeune Anishinaabe Kwe, collabore à des conférences, des assemblées, des congrès. Sa motivation? Créer ainsi des ponts. Elle tisse des liens entre Autochtones et non-Autochtones. Pourquoi? «Pour éduquer et sensibiliser le monde aux défis auxquels sont confrontées les personnes autochtones.»
Page fait cette démarche de sensibilisation en souhaitant que ceux et celles qui viendront après elle ne soient pas obligés de tout recommencer. Pourtant, d’autres avaient aussi tenté d’expliquer. Expliquer à ceux qu’ils ont accueillis, comme l’a fait la grande cinéaste abénaquise Alanis Obomsawin à travers ses films, c’est quoi appartenir à ces nations qui sont ici depuis des millénaires.
Savoir partager
La volontaire et tenace adolescente ouvre ainsi des fenêtres sur certains rites comme la cérémonie de la fumée de la sauge. Le parfum de cette plante odoriférante «aide tout le monde à être dans le même esprit; ça aide à calmer et à rassurer le monde dans un espace confortable». Si jeune et tant de savoirs! Jusqu’à son dernier souffle, c’est sa grand-mère qui lui transmettra ainsi ses connaissances. L’idée de la transmission est un héritage familial chez les Chartrand. Une grand-mère qui lui inculquera aussi quelques notions de gros bon sens philosophique! Cette grand-mère, qui a été enlevée de sa maison par un agent indien comme le raconte sa petite-fille, recevra sa carte d’Indien. «Pourquoi il faut une carte d’identité gouvernementale quand nous-mêmes, on connaît notre identité?», se questionne Page.
Ces liens que tisse Page Chartrand ne sont pas inutiles. Ils suscitent une remise en question chez ceux qui sont touchés par les paroles ou les actions de la jeune Franco-Ontarienne.
Savoir recevoir
C’est le cas de Richard Létourneau, directeur de l’École Boréale dans les Territoires du Nord-Ouest. Il est le premier à faire son mea culpa et à accueillir de façon très positive ces échanges proposés par l’ACELF avec les Premières Nations. «On a eu une indifférence totale à l’égard des Autochtones. Les expériences nouvelles peuvent nous nourrir. C’est important de reconnaître nos faiblesses.» Comme bien d’autres gens du Sud, il a été élevé au sein d’une communauté québécoise où les commentaires racistes, les clichés à l’égard des Autochtones étaient présents. «Faut se tenir debout et dire que ça suffit les niaiseries. Ça suffit les commentaires qu’on fait les uns sur les autres.»
Savoir dire
Cet accueil de l’autre met sans doute un baume sur le vécu de Page par rapport au regard de bon nombre de Blancs. «Le défi auquel beaucoup de personnes autochtones font face, c’est de devoir défendre leur identité face à des Blancs. Ça a vraiment un impact sur ta personne. Tu sens toujours qu’il faut que tu te revalorises dans une société où tu n’existes pas comme communauté.»
Pour Richard Létourneau, la rencontre avec Page Chartrand lui aura donné le goût d’amener les élèves de son école dans les communautés, au lieu d’attendre passivement la visite d’aînés en fonction d’un horaire scolaire bien déterminé. «C’est à nous de faire l’effort et d’aller les voir dans leur communauté.»
Savoir être
N’allez surtout pas demander à Page de choisir entre ses deux identités. C’est comme lui demander de choisir entre son bras droit et son bras gauche. «Mon identité à moi est complètement basée sur ma fierté de soi. Mais aussi, ma fierté d’être francophone et ma fierté d’être autochtone. Mon identité autochtone, c’est presque toute mon identité complète… comme avec ma francophonie.» Comme quoi la construction identitaire, c’est d’abord et avant tout une question de choix personnels qui doivent être respectés.
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