Prof en construction… identitaire

13 juin 2019
par Francosphère - Texte d'André Magny

«On n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir : on enseigne et on ne peut qu’enseigner que ce que l’on est.» Jean Jaurès, professeur et journaliste.

Officiellement, Ronald Déry est enseignant de biologie et de mathématiques à l’école Maurice-Lavallée en Alberta. Mais il est bien plus que ça. Son engagement auprès des jeunes lui permet d’ajouter sa pierre au projet de construction de l’édifice identitaire d’adolescents franco-albertains.

Sise à Edmonton, l’école Maurice-Lavallée accueille depuis près de 35 ans des élèves du secondaire. Elle est réputée pour son excellence dans tous les domaines. Une quinzaine d’hommes et de femmes y enseignent dont Ronald Déry.

C’est vraiment son alma mater, puisque M. Déry travaille là où il a passé une partie de son adolescence! C’était d’ailleurs l’un de ses rêves de venir enseigner dans l’école où il avait étudié depuis la 5e année jusqu’à la fin de son secondaire.

«On voit vraiment que cet homme-là a la vocation pour l’éducation et il a à cœur la réussite de ses élèves, autant dans son cours, mais autant dans leur globalité.» Celui qui parle ainsi de l’enseignant Déry, c’est le directeur de l’école, Éric Dion. Celui-ci s’extasie devant le dynamisme du prof de bio. Même après 20 ans d’expérience, son directeur est d’avis qu’il a su garder le dynamisme d’un enseignant qui commence dans le métier.

20 ans au service de la construction identitaire

Se définissant lui-même comme étant un enseignant « authentique et passionné », Ronald estime que ces deux qualités font « une différence dans une classe ». Dans un premier temps, c’est souvent ce qui va donner envie à l’élève de persévérer dans ses études. Mais l’identité face à sa culture n’est jamais loin derrière. « Évidemment si l’élève a la passion pour la matière et si celle-ci lui est enseignée en français, je devine que la construction identitaire vient par elle-même. »

Encore faut-il tout de même un petit coup de pouce de la part du prof! L’ACELF — avec tous ses outils et ressources sur le sujet — démontre que la quête d’identité d’un jeune est loin d’être linéaire. L’importance accordée à la langue française et l’attachement qui en découle fluctuent et sont influencés par différents facteurs. Et pour cela le rôle de l’enseignant est primordial. Ronald Déry est bien au fait du danger de l’assimilation.

«C’est important de favoriser la construction identitaire dans un milieu anglophone, justement pour éviter l’assimilation.» L’enseignant franco-albertain n’est pas dupe. Il constate lui-même que des élèves francophones parlant anglais entre eux, voire avec leurs parents, ça peut être fatal pour leur français. «Je les rencontre ces élèves-là, 5 ou 10 ans après leur secondaire… c’est en anglais.»

Du côté des élèves

Marjorie Lépine en est à sa dernière année à l’école Maurice-Lavallée. L’élève de 12e année trace un portrait élogieux de Ronald Déry, relevant notamment trois points importants chez son enseignant.

Il sait communiquer avec ses élèves; il est capable de bien leur transmettre la matière. De plus, voilà un homme avec du leadership poussant les élèves à s’engager au sein de l’école. Enfin, il fait preuve de créativité. Pour Marjorie, il a le don de les embarquer dans les activités qu’il met sur pied ou dans les nouveaux concepts qu’il développe. Il fait en sorte que Maurice-Lavallée devienne ainsi «une meilleure place» pour ces francophones en devenir.

Petit secret bien gardé!

Non seulement Ronald Déry enseigne-t-il la bio et les maths, mais il se fait aussi complice avec ses élèves en art dramatique. «J’aime bien l’art dramatique, mais ce n’est pas une passion comme la biologie. J’ai fait beaucoup d’art dramatique dans ma jeunesse, à l’école et à l’université, mais je ne m’imaginais pas aboutir comme enseignant d’art dramatique. J’aime beaucoup donner le cours et on s’amuse.» Au point qu’ils ont déjà créé une pièce de 30 minutes pour le Festival théâtre Jeunesse de l’Alberta, qui se déroule à Nordegg chaque année depuis 30 ans.

Et la construction identitaire dans tout ça ? «C’est certainement plus facile d’être dynamique et de promouvoir la création identitaire en art dramatique qu’en mathématiques ou même en biologie. Lorsqu’on utilise tout son être pour s’exprimer plutôt que crayon, papier et calculatrice, on a beaucoup plus de liberté.»

Ronald Déry semble avoir mis en pratique ce mot du célèbre écrivain et enseignant français Daniel Pennac, qui s’applique on ne peut mieux quand on enseigne dans une école de langue française: «Enseigner, c’est faire en sorte que chaque cours sonne l’heure du réveil.»

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