5 pistes d’action pour miser sur la construction identitaire par l’éducation

Faire briller la culture francophone et la langue française dans la vie des jeunes enfants et des élèves. C’est-à-dire, les accompagner dans leur construction identitaire francophone. C’est la mission au cœur de nos milieux éducatifs de langue française, partout au Canada. Mais alors qu’en 2022, nous nous relevons d’une pandémie, comment peut-on pleinement miser sur cette mission? Qu’est-ce que la construction identitaire veut dire aujourd’hui? Et comment lui redonner toute la place qu’elle mérite? Dans le cadre du Chantier estival pour repositionner la construction identitaire dans nos milieux éducatifs, une vingtaine de leaders en construction identitaire, de partout au pays, ont réfléchi à ces questions.   

Pour repositionner la construction identitaire 

Dans cette vidéo, découvrez 5 pistes d’action principales dégagées par le groupe du chantier à la fin de leur semaine de travail estival. Ce sont des thèmes clés identifiés pour répondre aux enjeux et aux besoins rencontrés dans les milieux éducatifs d’aujourd’hui, à l’égard de l’accompagnement des enfants et des élèves dans leur construction identitaire. Et bien que les réflexions se poursuivent, vous constaterez à quel point ils résonnent dans votre réalité. Et comment ils peuvent influencer vos propres réflexions et interventions. 

Qu’est-ce qui a mené le chantier à ces pistes d’action? Pour en savoir plus, nous avons interrogé trois responsables de l’accompagnement du chantier: Cindy Vachon, enseignante au Consortium Centre Jules-Léger, Richard Vaillancourt, agent de programmes pour la Commission nationale des parents francophones (CNPF), et Sylvain Giroux, consultant en éducation. 

1-Repenser l’identité ou les identités 

Notre société évolue. Notre façon de se percevoir et de se définir également. Maintenant, on parle de plus en plus souvent d’identités multiples. Elles soulignent la pluralité. Et dans ce contexte, le concept d’identité(s), central à nos actions en construction identitaire, peut être perçu et exprimé différemment d’il y a quelques années.  

Avant, «on basait toutes [nos actions pour accompagner les jeunes dans leur développement identitaire] sur une identité francophone, par exemple, l’identité franco-ontarienne», explique Sylvain. Alors qu’aujourd’hui «si on a un groupe de 20 élèves, [on tient en compte] qu’il y a 20 identités riches et différentes. Ce qu’on veut, c’est de partager ces identités», ajoute-t-il, soulignant que la diversité de chaque personne enrichit la francophonie et vice-versa. «Il faut [valoriser] cette richesse-là de la francophonie [diversifiée]. Il faut mettre en valeur la richesse de l’ensemble des identités qui existent dans nos groupes», croit-il. 

Prendre en considération les multiples identités, «c’est non seulement tenir compte des différentes identités au niveau de la culture, mais aussi du genre, [entre autres]», explique Cindy. «De passer de «l’identité» à des «identités», je pense que c’est le reflet de la diversité [de nos milieux]. Probablement que cette réflexion-là continuera d’être approfondie. Mais je pense qu’il y a ce souhait d’aller chercher tout le monde, que chaque personne se sente interpellée, se sente incluse dans cet espace francophone, se sente fière d’avoir cette place-là», commente Richard. 

2-Assurer le bien-être et l’accueil du personnel, des jeunes et des familles tout au long de l’année 

L’accueil et le mieux-être sont des thèmes qui «ont pris toute une autre dimension au fil des dernières années. C’est important de prendre en considération la personne, comment elle se sent», explique Richard.  

Ces thèmes résonnent également dans nos milieux éducatifs, notamment parce qu’ils ont un impact sur les résultats scolaires, mais aussi sur le développement identitaire. En effet, «le bien-être fait partie de la construction identitaire. Pour être capable de cheminer avec tes élèves ou avec ton personnel en construction identitaire, tu as besoin de les accueillir, de les accompagner, [d’établir un lien] de confiance», explique Cindy.  

«Si une personne se sent bien, sent qu’on l’accueille, elle sera encore plus portée à partager, à échanger, [ce qui crée un contexte favorable] au cheminement identitaire. [Ça favorise aussi] le développement d’un sentiment d’appartenance», ajoute Sylvain. «Si je me sens bien, je vais vouloir appartenir au groupe, à l’école de langue française [ou au service éducatif à la petite enfance francophone] et ainsi de suite», poursuit-il.  

«L’accueil devrait [donc] se faire tout au long de l’année. Le bien-être doit être favorisé à tous les niveaux: [auprès] des élèves, du personnel enseignant, du personnel en petite enfance, des enfants, des parents… Il faut adopter une posture d’accueil, de bien-être et de bienveillance si on veut bâtir un climat propice aux apprentissages et au développement des identités», poursuit Sylvain. 

3-Simplifier le message touchant la construction identitaire 

La façon d’expliquer la construction identitaire devrait-elle être repensée? C’est un autre aspect auquel les personnes participantes au chantier se sont intéressées. «La construction identitaire, [ça peut sonner] comme un gros travail à faire: on va faire de la construction», commente Sylvain, qui explique que cette notion n’est pas toujours simple à comprendre pour tout le monde.  

«La construction identitaire, c’est un concept. Je pense qu’il faut être capable de le nommer. Mais comment est-ce qu’on parle de cette notion-là? C’est une question importante. On a parlé d’accompagnement, de développement, de cheminement identitaire [pour faire comprendre aux intervenantes et aux intervenants en éducation] qu’on ne part pas de zéro. On vient nourrir, alimenter, renforcer le bagage francophone que les gens ont», explique Richard. 

«On doit se voir comme des accompagnateurs [ou accompagnatrices]. Ça nous amène à parler de notre rôle peut-être différemment. Si la notion de construction identitaire est trop complexe à comprendre, ça peut peut-être être perçu [par les intervenantes et les intervenants] comme quelque chose à faire en plus. Alors que ce qu’on veut, c’est que les gens réalisent qu’ils en font déjà. [Et qu’il s’agit parfois d’adopter] une intention plus ciblée, ou ciblée différemment pour [contribuer encore plus au développement identitaire francophone des enfants et des élèves], tout naturellement. En fin de compte, quand on dit «simplifier la construction identitaire», je pense que c’est de réaliser que cette intention-là peut faire partie de tout ce qu’on fait», ajoute Richard. 

4-Favoriser le sentiment d’appartenance et l’engagement 

Pour accompagner les jeunes dans leur développement identitaire francophone, sur quels aspects devrait-on surtout miser? Le sentiment d’appartenance et l’engagement envers la francophonie sont apparus centraux pour le groupe du chantier.  

À ce sujet, on pense souvent qu’il faut favoriser le sentiment d’appartenance des jeunes pour leur donner envie de s’engager envers la francophonie. Mais devrait-on voir les choses autrement? «Je pense que c’est un thème riche. Ça m’a fait tellement réfléchir. Pour moi, le sentiment d’appartenance et l’engagement n’allaient pas l’un sans l’autre. Pour finalement réaliser que non. Tu n’as pas nécessairement besoin d’avoir un sentiment d’appartenance pour t’engager dans une cause. Par exemple, je n’ai pas un sentiment d’appartenance à la communauté LGBTQ+, mais je suis quand même engagée envers cette communauté-là», explique Cindy. 

Après leurs discussions, les leaders du chantier ont ainsi réalisé qu’entre appartenance et engagement, «il n’y en a pas nécessairement un qui vient avant l’autre, ou qui mène vers l’autre», explique Richard. Se sentir appartenir à la francophonie et s’engager dans celle-ci n’est pas un cheminement qui prend la même direction pour tout le monde, résume-t-il. «Mais il y a un lien à faire avec les deux», complète-t-il. Car ce qui est apparu clair aux leaders du chantier, c’est «qu’il faut travailler sur les deux pôles (l’engagement et le sentiment d’appartenance) et non juste un à la fois», souligne Sylvain. 

5-Intégrer l’approche ludique en construction identitaire 

Comment transmettre le goût de la francophonie à travers l’éducation plus efficacement? Y a-t-il une approche qui mériterait d’être davantage explorée? Au fil des discussions, le groupe du chantier a identifié l’approche ludique.  

«Les réflexions [des personnes intervenant en] petite enfance nous ont nourris. Le jeu, ou l’approche ludique, fait partie intégrante de ce qui est fait à la petite enfance. Mais c’est aussi applicable au domaine scolaire. On voit que le jeu, avec une intention particulière, peut être un véhicule extrêmement motivant, une belle façon de créer de l’interaction, d’amener les jeunes à participer d’une autre façon pour apprendre [et poursuivre leur développement identitaire francophone]», explique Richard.  

Pour Cindy, «c’est nécessaire, on doit rendre notre enseignement plus ludique», affirme-t-elle. Et plusieurs ressources sont accessibles pour aider le personnel enseignant qui souhaite se lancer. «Tu peux prendre des activités de la BAP, ou de Ma rentrée Francosphère par exemple», explique-t-elle. Il faut «faire participer [davantage] les jeunes, trouver des façons de rendre l’enseignement plus intéressant. Il ne faut pas avoir peur d’essayer des choses, de demander aux élèves ce qu’ils et qu’elles ont le goût de faire», pense-t-elle. 

Et chez vous? 

Que pensez-vous de ces pistes d’action? En quoi répondent-elles à vos interrogations? Comment représentent-elles vos défis? De quelles façons pourriez-vous les mettre en pratique pour mieux répondre aux réalités d’aujourd’hui? Ces questions et ces pistes d’action sont d’excellentes bases pour créer une discussion enrichissante avec vos collègues de travail. Prendre un pas de recul. Échanger. Coconstruire des stratégies. Et se dynamiser. 

Et dans le grand réseau de l’ACELF, ces pistes vont continuer d’alimenter nos réflexions et nos discussions. Parce que le monde change, nos pratiques se renouvellent aussi. Mais quelque chose demeure: la volonté que nous avons, ensemble, de faire briller la francophonie dans la vie des jeunes pour assurer, année après année, la vitalité de toutes nos communautés. 

Pour en savoir plus sur le chantier estival 

Qu’est-ce que c’est le Chantier estival pour repositionner la construction identitaire dans nos milieux éducatifs? C’est un groupe de coréflexion et de cocréation réunissant une vingtaine de leaders en construction identitaire, de partout au Canada, de différents milieux du continuum en éducation de langue française. Il a été initié par l’ACELF pour répondre à un besoin exprimé un peu partout au pays: celui d’actualiser les pratiques «pour se remettre à niveau, se donner un élan», explique Cindy. Le mandat de ce projet inédit? Échanger, réfléchir et trouver ensemble des stratégies pour «repositionner la construction identitaire et lui redonner pleinement sa place, au cœur de la mission de nos milieux éducatifs», spécifie Richard.  

Le groupe pancanadien, orienté par le leadership partagé et la bienveillance, s’est notamment réuni lors d’une semaine de travail en présence, à Ottawa. «On pense parfois qu’on est seul à rencontrer des enjeux face au cheminement identitaire des enfants, des élèves et du personnel. [En discutant ensemble], ça a été très révélateur. On a vu qu’on est tous et toutes dans le même bateau, et qu’on a besoin de s’aider pour arriver avec de nouvelles approches», explique Sylvain. 

Le Chantier estival a été rendu possible grâce à l’appui du Gouvernement du Canada ainsi qu’à l’attribution de locaux offerts par le Conseil des écoles catholiques du Centre-Est (CECCE).