Et si on utilisait le calendrier pour célébrer une francophonie inclusive?
Célébrer la diversité dans nos milieux éducatifs, c’est essentiel. C’est l’une des clés pour que nos jeunes développent un sentiment d’appartenance envers une francophonie inclusive qui les reconnaît et qui les valorise. Pour découvrir une pratique gagnante à ce sujet, on fixe nos projecteurs sur les célébrations du Mois du patrimoine asiatique (en mai) du Conseil scolaire catholique Providence (CSC Providence), en Ontario. Un parfait exemple qui mise sur un événement annuel comme occasion de faire briller une francophonie rassembleuse et diversifiée! Pour en savoir plus, on a rencontré Jessica Defoe, enseignante de musique instrumentale et conseillère pédagogique en équité, diversité et inclusivité (EDI), ainsi qu’Idrine Matenda-Zambi, professeur à temps partiel à l’Université d’Ottawa, qui était également directeur adjoint à l’école élémentaire et secondaire catholique E.J. Lajeunesse et conseiller pédagogique en EDI au CSC Providence.
Pourquoi souligner des dates?
Organiser des activités pour représenter la diversité des jeunes, c’est l’une des stratégies que nous avait déjà partagées Idrine pour créer des environnements plus inclusifs dans nos milieux éducatifs. Célébrer les mois, les semaines, ou les journées dédiées à souligner cette riche diversité, comme le Mois du patrimoine asiatique, c’est l’une des façons d’y arriver. «L’idée, c’est de présenter l’équité, la diversité et l’inclusion comme un parapluie», explique Idrine qui indique profiter de divers moments du calendrier pour mettre en valeur les identités multiples des élèves. La Semaine nationale de l’accessibilité (à partir du dernier dimanche de mai) pour sensibiliser les gens aux réalités de personnes ayant des handicaps, le Mois de la Fierté (juin), ou le Mois de l’acceptation de l’autisme (avril) sont quelques autres exemples.
Quel est le but? Apprendre aux jeunes à faire preuve d’équité et d’inclusion en les exposant à la diversité. Mais aussi, pour que toutes les personnes qui se trouvent dans nos milieux éducatifs se sentent vues, représentées et incluses. Qu’elles y fassent leur place. Qu’elles se sentent libres d’être elles-mêmes.
«Tous les conseils scolaires francophones ont un mandat qui est clair: faire rayonner le français. Mais pour [se définir comme] francophones, nos élèves doivent se reconnaître dans la francité. Toutes ces activités liées avec l’équité, la diversité et l’inclusion, c’est justement pour permettre à nos élèves de vraiment rayonner en étant ce qu’elles, iels et ils sont. Notre rôle, c’est de sensibiliser. Il y a des personnes qui vivent d’autres réalités par rapport à leurs fêtes, par rapport à leurs croyances [etc.], mais ces personnes-là apportent quelque chose de différent à nos écoles, nos salles de classe, nos communautés. [Une personne] peut être asiatique, être fière de son héritage, et être fière d’être francophone», indique Idrine.
Un livre comme point de départ de la programmation
Jessica et Idrine nous donnent ainsi l’exemple des célébrations de 2023 lors du Mois du patrimoine asiatique au Conseil scolaire catholique Providence. La première étape, c’était bien sûr de bâtir cette programmation.
Avant tout, «on a consulté des personnes issues du patrimoine asiatique du CSC Providence parce que nous, [les membres du personnel EDI], ne faisons pas partie de cette communauté-là, et on ne voulait pas manquer des choses par rapport à nos propres perceptions», explique Idrine. Une fois la programmation créée, ces mêmes personnes ont aussi été consultées pour valider les contenus, tant des activités que des visuels.
Mais justement, comment s’est articulée cette programmation 2023? Autour d’un livre faisant briller le patrimoine asiatique, nous répond Jessica. «On choisit un livre, surtout pour le niveau élémentaire, et on va faire un travail approfondi sur ce livre. Donc, on va créer une programmation par rapport à ce livre-là. On va donner des outils pédagogiques, parce que le personnel enseignant aime avoir du prêt à utiliser. Par exemple des activités à faire vivre dans la salle de classe au niveau de la communication orale, au niveau de la lecture, au niveau de l’écriture», complète Idrine.
Pour 2023, le livre sélectionné pour figurer au cœur de la programmation était Des bisous au coin des yeux de Joanna Ho. «Le côté chinois était plus accentué par rapport au livre [choisi pour 2023. Pour 2024, on a choisi] le livre Mon bindi de Gita Varadarajan. On va plus du côté de l’Inde», précise Idrine. Ce dernier souligne que beaucoup de gens pensent à la Chine ou au Japon quand on parle du patrimoine asiatique alors qu’il est beaucoup plus vaste que ça. D’ailleurs, saviez-vous que l’Asie compte environ une cinquantaine de pays?
Du contenu à l’intention des élèves et du personnel
Beaucoup de contenus sont joints à la programmation du Mois du patrimoine asiatique en plus des activités d’apprentissages, adaptés à différents niveaux scolaires, et des plans de leçons liés au livre Des bisous au coin des yeux. Par exemple, «on a créé des jeux [dans le style de] Trivia: connaissez-vous des personnages asiatiques au niveau de la francophonie?», explique Idrine. Au cours de ce mois, des visuels mettant en vedette des personnalités asiatiques canadiennes sont aussi diffusés sur les médias sociaux, ajoute Jessica. Il s’agit de «visuels pour expliquer leur impact, leur contribution, que ce soient dans les arts, les sports, les sciences», précise la conseillère pédagogique.
L’ensemble des éléments de la programmation et les visuels sont ajoutés à un site Web accessible à l’ensemble des membres du personnel du CSC Providence. «Toutes les informations sont au même endroit pour que chaque personne puisse aller y chercher quelque chose: que ce soient des vidéos, des livres, des ressources pédagogiques, des curiosités personnelles», indique Idrine.
Jessica explique que plusieurs informations, mettant en contexte les célébrations de ce mois, sont présentées dans la programmation créée pour le Mois du patrimoine asiatique, sur le Web EDI destiné aux membres du personnel du CSC Providence. On y trouve entre autres une présentation «Google Slides pour sensibiliser les membres du personnel sur pourquoi on est en train de faire ce qu’on fait. On va vraiment donner l’historique, parce qu’il s’agit de choses qui n’étaient pas enseignées lorsque plusieurs d’entre nous, les membres du personnel du CSC Providence, étaient à l’école. Des exemples de stéréotypes, de micro-agressions, comment est-ce qu’on peut lutter contre le racisme anti-asiatique, qu’elles sont les actions concrètes qu’on peut faire», précise Jessica. «On voulait en donner le plus possible aux membres du personnel enseignant pour être capable d’en apprendre plus par rapport à ces enjeux», ajoute-t-elle.
Ainsi, la programmation se construit dans l’objectif d’avoir un impact sur les élèves, bien sûr, mais aussi sur l’ensemble des membres du personnel, qu’il s’agisse du personnel enseignant, de l’équipe administrative ou du personnel de soutien des écoles et des sites «pour les sensibiliser à la richesse de la diversité», souligne Idrine.
Mettre en œuvre la programmation et l’évaluer
Le contenu de la programmation des célébrations du Mois du patrimoine asiatique, comme toute autre programmation au cours de l’année scolaire, est partagé dans un courriel de la surintendante responsable du dossier EDI et dans le mensuel du département EDI. Tout converge vers le site Sharepoint EDI. Par la suite, «le personnel enseignant est libre de l’intégrer comment il le veut. Nous, on leur donne du tout préparé. Ce qu’on veut, c’est que le personnel enseignant ait les ressources et sache comment toucher [le Mois du patrimoine asiatique]. Il s’agit d’essayer des choses. Comme on est au début, on va offrir des formations au niveau des salles de classe, mais on peut aussi appuyer directement le personnel enseignant [dans la mise en œuvre d’activités]», explique Idrine.
Une fois les activités du mois terminées, «on fait un retour. Qu’est-ce qui a marché? Qu’est-ce qui n’a pas marché? Est-ce qu’il y a des choses qu’on peut changer? Et on adapte nos pratiques par rapport à la rétroaction», poursuit Idrine qui précise que le personnel est invité à remplir un formulaire à cet effet.
Les impacts de la programmation
«Souvent, c’est dans des petits regards [des élèves] que tu le vois: la fierté. Les parents vont commenter [l’initiative] dans les réseaux sociaux. [Les familles partagent leur] fierté d’être connues, d’être vues, d’être valorisées. Souvent, on parle des francophones en général, mais pas des spécificités. Et cette programmation va toucher justement ces éléments-là: [notre milieu éducatif] est fier de vous, on vous voit, on vous célèbre, vous faites partie de notre école et on est ensemble, ici, dans la francophonie», indique Idrine en parlant des impacts de cette initiative.
Vivre ensemble et construction identitaire vont de pair
«À la fin, c’est le bien-être de nos élèves qui est important. Nous voulons créer des citoyennes et des citoyens francophones qui sont des modèles dans notre société et [pour ce faire], nos élèves doivent comprendre que la diversité est une richesse, que l’inclusion est une valeur très importante. [Nous voulons] que chaque élève se sente bien, se sente incluse ou inclus et [comprend] que la francophonie, c’est des élèves qui sont d’héritage asiatique, c’est des élèves qui sont de partout, qui ont différentes cultures, mais qui se retrouvent dans la francité, dans le fait d’être francophones», conclut Idrine. On le comprend bien, célébrer des dates du calendrier pour valoriser la diversité, c’est non seulement positif pour le vivre ensemble, mais c’est aussi essentiel à nos actions pour appuyer les jeunes dans leur construction identitaire francophone. Pour alimenter ensemble une francophonie ouverte et vibrante de vitalité.
Ça vous inspire? Vous aimeriez en apprendre davantage sur cette pratique gagnante? Jessica et Idrine vous invitent à communiquer avec l’équipe EDI du Conseil scolaire catholique Providence. Elle se fera un plaisir de partager son initiative et d’échanger avec vous.
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