Pour des milieux éducatifs vraiment inclusifs

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29 septembre 2023
par Francosphère

«Si vous êtes dans les milieux éducatifs, c’est que vous croyez que vous pouvez contribuer au changement», explique le professeur, directeur adjoint et conseiller pédagogique en équité et en éducation inclusive, Idrine Matenda-Zambi, devant des membres du personnel éducatif provenant de partout au Canada et d’ailleurs en Amérique. Dans la foulée, il appelle chaque personne à se questionner, à cheminer et à changer les choses dans le cadre de son atelier: Pratiques inclusives en contexte minoritaire: valoriser l’identité francophone et célébrer la diversité culturelle et linguistique, présenté aux Stages de perfectionnement de l’ACELF. Il nous explique pourquoi l’inclusion est un incontournable dans nos milieux et comment rendre ceux-ci plus inclusifs.

L’inclusion, un ingrédient nécessaire à la construction identitaire

«Si on n’est pas inclusif ou inclusive, on travaille contre nous-même», explique Idrine. Il aborde le rôle qu’ont les membres du personnel éducatif des milieux francophones en construction identitaire pour donner envie aux jeunes de faire une place importante à la francophonie dans leur vie. Or, l’inclusion est un ingrédient nécessaire pour que les jeunes développent un sentiment d’appartenance à la francophonie.

Nos jeunes ont tendance à «associer la langue à l’école, à leur parcours éducatif», explique Idrine. Toutes les personnes doivent donc sentir qu’elles sont représentées, acceptées et qu’elles ont leur place dans le milieu éducatif, dans la communauté francophone et plus largement dans la francophonie. Qu’elles peuvent y être pleinement elles-mêmes. C’est ainsi que nos jeunes seront davantage susceptibles de s’identifier comme francophones, nous explique le directeur adjoint.

Qui voyez-vous?

Comment faire preuve de plus d’inclusion et d’équité auprès des jeunes de votre milieu éducatif? En commençant par se questionner, explique Idrine. Il mentionne qu’il aime bien se prêter à un exercice, au début de la journée, à l’école. Il observe les gens se saluer. Il donne l’exemple d’une membre du personnel qui saluait des élèves, mais qui ne disait jamais «Bonjour!» à une élève transgenre. Idrine propose de faire le même exercice. «Regardez qui dit bonjour à qui et pourquoi. Qui sont ces élèves que l’on voit? Et qui sont ces élèves que l’on ne voit pas? Pourquoi on ne les voit pas? Qu’est-ce qu’on peut faire pour les voir?», questionne-t-il.

«Votre rôle, c’est de vous rappeler que [l’ensemble] de vos élèves comptent. Tous les groupes qui sont en quête d’équité doivent être vus et se voir dans l’école ou dans le service éducatif à la petite enfance où nous sommes. Et c’est important de toujours se rappeler ça», souligne-t-il. Selon le pédagogue, tout le monde a des identités multiples. Et si les jeunes sont dans nos milieux francophones, c’est que l’ensemble de ce qu’elles et qu’ils sont ont leur place dans la francophonie. «L’identité francophone des gens n’est pas un buffet où tu prends seulement ce que tu aimes. Chaque personne, chaque élève, on doit la prendre ou le prendre pour ce qu’elle ou ce qu’il est», souligne-t-il. 

Inclure et former des personnes inclusives

Selon Idrine, pour faire preuve d’inclusion et d’équité en milieu éducatif, il faut donc «créer un environnement où chaque personne se sent valorisée, respectée et incluse, quelles que soient ses différences». 

Mais il existe aussi un autre volet important: apprendre aux jeunes à faire preuve d’équité et d’inclusion en les exposant à la diversité, en leur faisant connaître et comprendre les communautés en quête d’équité. «Mon travail et le travail des autres éducatrices et éducateurs, c’est de s’assurer que nos élèves puissent travailler avec [des personnes des communautés en quête d’équité], de les comprendre et de les respecter», indique-t-il. À cet effet, il suggère d’appuyer vos jeunes dans le développement de compétences culturelles, interculturelles et transculturelles à l’aide notamment du fascicule Les compétences culturelles, interculturelles et transculturelles de notre série Comprendre la construction identitaire.

Comment miser sur l’inclusion?

Concrètement, quelles sont les stratégies à adopter pour créer un environnement inclusif dans votre milieu éducatif? Voici trois moyens présentés par le conseiller pédagogique en équité et en éducation inclusive.

1. Adaptez votre contenu éducatif pour qu’il représente la diversité

«Nos jeunes doivent se voir dans la programmation éducative» souligne Idrine. Pensez aux livres qu’on fait lire ou qu’on lit aux jeunes au cours de l’année. «Si le petit garçon de votre service éducatif à la petite enfance qui a deux papas ne voit jamais de livres où il y a deux papas qui sont là, comment voulez-vous qu’il se sente inclus? », donne-t-il comme exemple. «Dans les livres que vous prenez dans votre salle de classe, est-ce qu’il y a des personnages qui sont noirs, immigrants, autochtones, qui ont des handicaps, [etc.]?», questionne-t-il. «Si vos élèves n’entendent jamais parler de ces personnes, ne les voient pas, comment pensez-vous que ces élèves-là vont [apprendre à faire preuve d’inclusion et d’équité]?», ajoute-t-il en invitant les intervenantes et intervenants à s’interroger sur leur matériel éducatif.

Selon Idrine, on peut valoriser la diversité dans toutes les matières. Il donne l’exemple de son expérience en tant que conseiller pédagogique en mathématiques où il parlait de l’Égypte, des Mayas, des Incas, des Grecs et divers pays dans le monde qui ont contribué à l’évolution des maths. «C’est important d’être intentionnel dans ce que nous faisons», résume-t-il.

2. Organisez des activités pour représenter la diversité des jeunes

Une autre façon de faire briller la diversité et de favoriser l’inclusion est d’aborder différentes réalités dans le cadre d’activités culturelles ou de célébrations. Un moyen de le faire est de vous baser sur des événements de votre calendrier. Comme quoi? Le Mois national de l’histoire autochtone, le Mois du patrimoine asiatique, le Mois de l’histoire des Noir(e)s ou le Mois des fiertés LGBTQ sont quelques-uns des rendez-vous annuels mentionnés par Idrine. Bien des activités éducatives peuvent d’ailleurs être organisées dans ce cadre, ou à l’occasion d’autres événements culturels, pour valoriser la pluralité tout en engageant les jeunes dans leurs apprentissages scolaires.

Interrogez-vous notamment sur les activités que vous réalisez dans le cadre du Mois de la francophonie. Est-ce que le visage de la francophonie que vous présentez aux jeunes est diversifié et inclusif? «Est-ce que dans votre salle de classe, ou dans votre service éducatif à la petite enfance, les jeunes comprennent qu’il y a d’autres personnes qui parlent français au Canada aussi? Est-ce que vos jeunes savent qu’il y a d’autres personnes dans d’autres pays qui parlent français?», questionne Idrine. Lorsque vous présentez la francophonie, demandez-vous si l’ensemble de vos jeunes peuvent s’y retrouver et s’y reconnaître. Si la réponse est non, que pouvez-vous faire pour que ça devienne le cas? «Valoriser une francophonie inclusive, c’est transmettre la fierté à tout le monde», ajoute le directeur adjoint.

3. Encouragez les élèves à partager leurs expériences

Selon Idrine, il faut «encourager la participation et la valorisation [des différentes] voix et perspectives» des jeunes. Il souligne l’importance de l’accueil et de s’intéresser à l’ensemble des enfants et des élèves pour favoriser l’inclusion de chaque personne. Les jeunes doivent se sentir à l’aise de partager leurs expériences et leurs histoires personnelles, parce que chacune d’elles a de l’importance. D’ailleurs, l’ensemble des membres de votre milieu peuvent s’enrichir de ces partages. «C’est la beauté de la diversité. Ça t’enrichit et de l’autre côté toi aussi, tu peux enrichir les gens de qui tu es», indique le pédagogue.

Apprendre à mieux connaître vos jeunes et inciter les jeunes à apprendre à se connaître mutuellement est d’ailleurs une pratique gagnante. Elle favorise le développement d’un climat positif, d’ouverture et de respect, propice au bien-être, aux apprentissages éducatifs ainsi qu’au développement identitaire des jeunes.

Se mettre à l’action

Un peu comme pour la construction identitaire, «en équité et en inclusion, c’est un cheminement. On commence toutes et tous quelque part. C’est un parcours», explique Idrine. «Reconnaître qu’on est en train d’apprendre, c’est le plus important», poursuit-il, souhaitant qu’au terme de son atelier «le personnel éducatif se rappelle qu’il doit voir tout le monde et qu’il se sente à l’aise de parler d’inclusion dans leur milieu éducatif».

Ainsi, ce qui est essentiel, c’est d’oser s’interroger. Et de prendre les moyens de changer ses façons de faire si on se rend compte qu’elles peuvent être améliorées. Parce que vous avez à cœur l’épanouissement de vos jeunes, vous aurez sûrement envie de vous lancer.

 

À propos d’Idrine Matenda-Zambi

Idrine Matenda-Zambi est professeur à temps partiel au campus de Windsor de l’Université d’Ottawa, directeur adjoint à l’école élémentaire et secondaire catholique E.J. Lajeunesse, de même que conseiller pédagogique responsable de l’équité et de l’éducation inclusive au sein du Conseil scolaire catholique Providence, en Ontario. Il est aussi un collaborateur de l’ACELF et s’implique notamment dans l’équipe de formation des ateliers que nous offrons dans les facultés d’éducation universitaires pour outiller le futur personnel enseignant en construction identitaire. Il a également collaboré à la conception du fascicule 17, L’inclusion des élèves du secondaire issus de l’immigration récente, de notre série Comprendre la construction identitaire.

À propos des Stages de perfectionnement de l’ACELF

Les Stages de perfectionnement de l’ACELF réunissent annuellement des intervenantes et intervenants des milieux éducatifs francophones de partout au Canada et d’ailleurs en Amérique. Cette formation vise à outiller les participantes et participants en vue de jouer leur rôle d’accompagnement en construction identitaire. Les Stages de perfectionnement sont rendus possibles grâce à la contribution du ministère du Patrimoine canadien, la Commission nationale des parents francophones, la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, le Regroupement national des directions générales de l’éducation, le Centre franco, la Fédération canadienne des directions d’école francophone et le Centre de la francophonie des Amériques.

 

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