Miser sur l’éducation autochtone dans nos milieux éducatifs francophones
Faire des pas vers la vérité et la réconciliation. Passer à l’action pour mettre en lumière les savoirs, les histoires, les cultures et les réalités des communautés autochtones. S’engager pour favoriser des relations harmonieuses et la réussite éducative de chaque personne. Voilà entre autres ce qui motive la Division scolaire franco-manitobaine (DSFM), l’Université de Saint-Boniface et le Bureau de l’éducation française (BÉF) du gouvernement du Manitoba à travailler à l’intégration des pratiques et des principes pédagogiques de l’éducation autochtone dans les milieux éducatifs franco-manitobains. Comment font-ils ça? Découvrez-le dans cette table ronde: Sur la voie de la vérité et de la réconciliation: l’éducation autochtone au Manitoba, présentée dans le cadre de notre 76e congrès qui a eu lieu à Winnipeg, au Manitoba, sur le thème Nos 1 001 voix.
Animée par Arianne Mulaire, directrice générale de l’Union nationale métisse Saint-Joseph, la table ronde réunissait: Bathélemy Bolivar, coordonnateur à la programmation de la DSFM, Debra Radi, conseillère principale en matière de réconciliation et d’éducation autochtone à l’Université de Saint-Boniface, et Danièle Dubois-Jacques, coordonnatrice en apprentissage scolaire et évaluation du BÉF. Dans cette vidéo, ces personnes partagent quelques-unes de leurs initiatives, qui suscitent l’intérêt partout au Canada.
Pourquoi s’intéresser à ce qui se fait au Manitoba?
Les milieux éducatifs franco-manitobains mettent en œuvre des actions porteuses et concrètes pour miser sur l’éducation autochtone dans leurs pratiques, ce qui en fait des leaders dans ce domaine. D’ailleurs, saviez-vous que 11% des étudiantes et étudiants de l’Université de Saint-Boniface s’identifient comme membre des peuples des Premières Nations, des Inuits ou des Métis? C’est aussi 21% des élèves et 22% du personnel enseignant de la DSFM. Dans ces circonstances, l’intégration des pratiques et des principes pédagogiques autochtones favorise la réussite éducative des apprenantes et apprenants de ces communautés en leur offrant des enseignements liés à leurs cultures. Elle permet aussi, entre autres, d’inculquer ces savoirs et ces réalités aux allochtones (non-autochtones) afin de favoriser une meilleure compréhension mutuelle. Ce sont là des actions gagnantes pour cultiver un climat positif et inclusif dans nos milieux éducatifs francophones. Et, en créant ces ponts, on valorise une francophonie plurielle, ouverte et enrichissante.
Pour bien vivre ensemble
Parmi les initiatives présentées lors de la table ronde, le cadre politique en matière d’éducation autochtone Mamàhtawisiwin: Les merveilles de notre héritage, présenté par le Bureau de l’éducation française au gouvernement du Manitoba, mérite d’être mentionné. Il «est conçu pour aider les [intervenantes et intervenants en éducation] à intégrer les langues, la culture et les identités autochtones à leur enseignement et à leurs pratiques, afin d’approfondir leur compréhension et de progresser sur la voie de la vérité et de la réconciliation au sein de leurs [milieux éducatifs] et de leurs communautés», peut-on lire dans la présentation de ce cadre politique.
D’ailleurs, que veut dire Mamàhtawisiwin? Cette sonorité correspond au terme bien-vivre dans plusieurs langues, par exemple: Mino-pimatisiwin (Ininew), Mino Bimaadiziwin (Anishinabemowin) ou Miyo-pimatishiwin (Michif). «Mamàhtawisiwin est un enseignement autochtone qui fait partie de notre vision [de l’éducation] et ce qu’on veut pour nos élèves: qu’elles et qu’ils puissent connaître cet équilibre tout au long de leur vie», explique Danièle. Bien vivre ensemble: voilà donc ce qui est en filigrane de chacune des initiatives propulsées par ce cadre.
Miser sur l’authenticité
Mais quelle est la clé pour bien mettre en œuvre les pratiques et les approches autochtones? L’authenticité. C’est ce qui ressort, entre autres, des discussions entre nos personnalités invitées.
En effet, il s’agit «d’offrir aux jeunes et au personnel des expériences authentiques en autochtonisation. Il faut bien se comprendre: une culture ne se lit pas dans les livres. Une culture, ça se vit. Pour vivre cette culture, ça prend des gens de cette culture qui entrent dans nos écoles, par exemple [des gardiennes et des gardiens du savoir des peuples autochtones]. Et comment ça se fait dans le quotidien? Ça peut être des tipis qu’on pose. Et quand on pose des tipis, ce n’est pas juste pour poser des tipis, c’est parce que ça constitue une réponse des peuples autochtones à la façon d’habiter les lieux ou dont les lieux les habitent. Ça nous permet de faire des enseignements spécifiques avec les perches, etc. Et ça nous permet d’entrer aussi dans toute la cosmologie autochtone. Dans chaque chose qu’on fait, il y a premièrement l’artéfact culturel que les gens voient, mais il y a aussi les valeurs et les visions du monde [des peuples autochtones]», explique Bathélemy.
Pour présenter des initiatives en éducation autochtone qui auront un impact, on doit donc explorer les savoirs, les histoires, les cultures et les réalités autochtones avec une certaine profondeur. «Une des actions qu’on promeut, c’est d’enseigner la vraie histoire, qui inclut un engagement qu’on a pris au ministère de s’assurer que notre [personnel] enseignant reçoive l’éducation [nécessaire à cet enseignement]», indique Danièle. Elle ajoute que les cours de sciences humaines sont aussi révisés et que les nouveaux cours sont conçus pour «s’assurer qu’on étaye les perspectives autochtones, mais vraiment de façon authentique, [pour] explorer des enjeux, pas juste d’il y a longtemps, mais aussi où on s’en va dans le futur», ajoute-t-elle.
Dans cette recherche d’authenticité, Debra souligne par ailleurs l’importance de travailler ensemble. Elle indique à ce sujet que l’Université de Saint-Boniface «fait des petits pas avec la communauté et en communauté pour faire avancer [ses] engagements envers la réconciliation». Elle explique que des séances d’écoute ont été organisées avec des communautés autochtones, notamment avec la communauté franco-métisse, pour savoir «comment s’approcher de la réconciliation». Aussi, elle indique, entre autres, que cinq personnes aînées autochtones collaborent avec l’Université: «on invite les [personnes] aînées dans les cours avec les profs pour parler de leurs engagements dans leurs matières: en éducation, en jeune enfance, en soins infirmiers, en travail social, [etc.]» De plus, «des [personnes] franco-métisses aident l’administration pour savoir quoi faire pour la réconciliation, comment on peut bien faire les choses. On a aussi mis en place une communauté de pratiques avec le corps professoral», ajoute Debra, en plus de bien d’autres exemples.
Participer au processus
Mettre en œuvre des projets en éducation autochtone implique des réflexions. Ça peut aussi impliquer d’accepter un certain niveau d’incertitude. «On se pose beaucoup de questions sur comment intégrer les perspectives de façon authentique. Le défi, c’est que ce n’est pas quelque chose de monolithique. Il y a plusieurs peuples, plusieurs langues, plusieurs cultures donc: comment est-ce que tu intègres cela pour que ce soit assez ouvert pour inclure toutes ces différentes perspectives? On va faire des essais, on va voir comment ça fonctionne» explique Danièle. Car, se lancer, essayer, quitte à réajuster le tir et à bonifier les projets et les pratiques, ça fait aussi partie du processus lorsqu’on travaille à infuser les perspectives autochtones dans nos milieux éducatifs. «Je pense à des traditions [comme] le perlage. Des fois, on voit une perle mal placée. On l’appelle le spirit bead (la perle spirituelle). C’est pour démontrer, justement, qu’on n’est pas parfait et qu’il y a toujours quelque chose à améliorer donc, ça va dans cette même pensée-là», ajoute la directrice générale de l’Union nationale métisse Saint-Joseph, Arianne Mulaire.
Mettre en œuvre des initiatives pour faire résonner les voix des Autochtones et changer notre société, c’est aussi s’inscrire dans un processus qui se dépolit dans le temps. «Tout le monde est à différentes places dans son cheminement. La réconciliation, c’est un apprentissage de vie d’après moi. C’est vraiment un travail personnel en même temps que c’est un travail professionnel [et organisationnel]», ajoute Debra qui énonce l’importance de travailler sur ces aspects de front.
Envie d’en savoir plus? Écoutez les éclairantes discussions captées lors de la table ronde, dans cette vidéo. Vous trouverez assurément de quoi vous inspirer pour intégrer, vous aussi, les pratiques et les principes de l’éducation autochtone dans votre milieu éducatif francophone. De plus, si vous êtes à la recherche d’activités pédagogiques bien pensées sur le thème des Premiers Peuples, n’hésitez pas à consulter ces suggestions de notre Banque d’activités pédagogiques (BAP). Elles ont été validées et bonifiées par un comité composé de personnes métisses, de gens des Premières Nations et de spécialistes du développement d’activités pédagogiques sur le sujet des Premiers Peuples.
Reconnaissance
L’endroit où a eu lieu le congrès 2023 de l’ACELF, Winnipeg, est situé sur le territoire visé par le Traité nº 1, le berceau et territoire traditionnel des peuples anishinaabe (ojibwé), ininew (cri), dakota et sur les terres ancestrales nationales des Métis de la Rivière-Rouge.
D’est en ouest. Du nord au sud. La francophonie canadienne s’exprime sur une vaste étendue visée par de multiples traités avec les Autochtones, comprenant également des territoires non cédés. Ces peuples autochtones ont accueilli les premières communautés francophones, les ont aidées à survivre, à se développer et ont contribué à la francophonie d’ici par de riches échanges culturels. En respect pour les liens passés, présents et futurs, nous reconnaissons la relation continue entre les peuples autochtones et les communautés francophones. Au-delà de cette reconnaissance, nous nous engageons à mettre en lumière les vécus des Premiers Peuples dont les riches cultures prennent racine sur l’île de la tortue.
La francosphère en action
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