Les biais cognitifs : des barrières invisibles à l’équité
Les biais cognitifs, vous connaissez? Ces distorsions de la pensée influencent nos comportements et nos décisions de manière souvent inconsciente avec des conséquences importantes sur l’équité dans nos écoles.
Lors de notre 77e congrès, qui a eu lieu à Laval, Québec, sur le thème Nos francophonies à cœur ouvert, Émilie Gagnon-St-Pierre, étudiante au doctorat en psychologie et cofondatrice du guide des biais cognitifs Raccourcis, a ouvert le bal avec une conférence illustrant comment ces biais façonnent nos interactions et nos jugements. Elle a également partagé des pistes de solutions pour déconstruire et atténuer ces biais. Et le premier pas essentiel pour favoriser des environnements plus équitables et inclusifs, c’est d’en être conscient.
Des mécanismes inconscients
Les biais cognitifs sont le résultat de raccourcis mentaux. Ces raccourcis sont fort pratiques, car ils augmentent notre capacité à naviguer rapidement dans un monde en constante évolution. Toutefois, ils peuvent créer des erreurs qui affectent nos choix. Un exemple frappant présenté par Émilie est celui de l’illusion visuelle. Elle montre deux tables et demande ensuite aux personnes participantes de choisir la meilleure option pour une entrevue. Presque toutes les personnes choisissent la même, celle qui semble carré. Coup de théâtre! C’est la même table, mais une a les pattes plus longues. Et même si Émilie superpose les deux tables pour démontrer qu’elles ont la même surface, le cerveau continue de les voir comme étant différentes. Non seulement, nous ne nous sommes pas rendu compte que l’information était faussée, mais en plus, cette illusion persiste même si on nous prouve le contraire.
Des exemples concrets en éducation? Pendant sa conférence, Émilie s’est référée à des études révélant que les élèves laissant une bonne impression lors d’une présentation orale obtiennent souvent de meilleures notes pour leurs travaux écrits que celles et ceux qui avaient moins bien réussis lors de leur présentation. Dans une autre étude, on annonce à des enseignantes et des enseignants que les jeunes de leur groupe sont particulièrement performants. Ces membres du personnel éducatif ont reconnu en eux un grand potentiel, et ces jeunes ont obtenu de meilleurs résultats que ceux dans les autres groupes. Ces biais peuvent donc nuire à une évaluation juste et influencer la réussite scolaire.
Il est important de noter que ces biais sont involontaires. Inconscients. Et tenaces. Même en étant conscients de leur existence, ils continuent de nous influencer. Il faut constamment se questionner sur nos décisions et nos jugements.
Une diversité de biais cognitifs
Parmi les biais cognitifs courants, on retrouve le biais de confirmation. C’est-à-dire la tendance à traiter les informations de manière à confirmer nos propres hypothèses. Par exemple, dans un débat ou dans une discussion, nous cherchons souvent des preuves qui soutiennent notre point de vue. On ignore ou on minimise alors celles qui le contredisent. Ce type de biais renforce nos convictions et limite notre capacité à réfléchir de manière critique.
Un autre type de biais assez fréquent dans les milieux éducatifs est l’effet de halo. C’est la tendance à se fonder sur une première impression pour tirer des conclusions. Par exemple, une personne jugée belle pourrait être perçue comme plus compétente ou sympathique.
N’oublions pas le biais pro-endogroupe, qui nous amène à privilégier notre propre groupe, tout en sous-estimant ceux qui ne nous ressemblent pas. Une étude menée en Ontario a montré que les élèves blancs issus de milieux socio-économiques privilégiés étaient souvent mieux évalués pour les compétences subjectives que leurs camarades de minorités visibles, malgré des performances équivalentes.
Vers un milieu éducatif plus inclusif
Même si les biais cognitifs sont inhérents à la manière dont notre cerveau traite l’information, des stratégies peuvent être mises en place pour limiter leur impact. Le milieu éducatif et les institutions doivent travailler main dans la main pour promouvoir l’équité et l’inclusion et s’assurer que chaque élève a une chance égale de réussir, peu importe son origine, son apparence ou son statut social.
Dans sa présentation, Émilie Gagnon-St-Pierre a partagé trois types de stratégies pour favoriser une approche inclusive et équitable:
- Les stratégies individuelles. Par exemple, développer une conscience de ses propres pensées, en pratiquant l’introspection et en explorant ses propres biais afin de mieux se connaître et d’agir en conséquence.
- Les stratégies interpersonnelles. Comme le développement des compétences culturelles pour mieux comprendre et respecter les différences, réduisant ainsi les angles morts qui peuvent survenir dans les interactions avec des personnes de divers horizons.
- Les stratégies institutionnelles. Elles appellent à des actions concrètes au niveau organisationnel, telles que l’évaluation à l’aveugle, le soutien et l’accompagnement du personnel, ainsi que l’instauration de politiques institutionnelles équitables.
Un travail d’équipe et de collaboration est essentiel pour bâtir un environnement inclusif et respectueux. En raison de la nature inconsciente, involontaire et persistante de notre fonctionnement cognitif, la responsabilité de limiter nos biais ne peut reposer entièrement sur nos épaules. Les stratégies individuelles et interpersonnelles doivent donc absolument être accompagnées de stratégies institutionnelles afin de nous soutenir dans nos valeurs d’objectivité et d’inclusion.
Il est aussi important d’éviter les méthodes non testées et de veiller à évaluer les interventions mises en place pour s’assurer de leur efficacité.
Le chemin vers une société plus équitable commence par la compréhension et la déconstruction de ces biais. L’éducation est un levier puissant pour y parvenir. En offrant des milieux inclusifs, où chaque élève peut atteindre son plein potentiel, nous formons des citoyennes et citoyens ouverts qui éclaireront le chemin des générations futures.
La francosphère en action
Inspirer. Informer. Donner tout plein d’idées. Notre blogue met en valeur les meilleures pratiques en matière de construction identitaire pour alimenter la francosphère.