Comment inclure les élèves issus de l’immigration récente?

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11 octobre 2023
par Francosphère

Nos milieux éducatifs de langue française s’enrichissent au contact d’élèves provenant de l’immigration. Comment favoriser pleinement l’inclusion de ces jeunes? Deux femmes inspirantes nous en parlent: Yasmine Zemni, une jeune Franco-Ontarienne d’origine tunisienne, et Marie-Claire Laroche, enseignante à l’école Sainte-Anne du District scolaire francophone Sud, au Nouveau-Brunswick. Dans le cadre de notre série balado Rencontres (accessible sur Spotify, Google balados, Apple podcast et SoundCloud), nous avons réuni ces deux personnes qui ne se connaissaient pas auparavant pour une discussion en toute complicité. Prenez votre café en leur compagnie et écoutez leurs expériences.

 

 

Dans nos milieux éducatifs de langue française, l’inclusion des élèves provenant de l’immigration récente est étroitement liée à leurs apprentissages scolaires, à leur bien-être, mais aussi à leur construction identitaire francophone. Et le personnel éducatif y joue un rôle important. Parmi ces personnes qui œuvrent à l’inclusion des jeunes, on y retrouve d’ailleurs Marie-Claire qui enseigne à Fredericton dans une classe de français: langue additionnelle. Ayant à cœur que chaque jeune se sente chez soi, elle travaille avec des élèves «de la 9e à la 12e année qui viennent d’un peu partout: que ce soit de l’Amérique centrale, de l’Amérique du Sud, de l’Afrique, [etc.]», explique-t-elle. 

Ayant elle-même fait l’expérience de l’inclusion en tant qu’élève issue de l’immigration, Yasmine est arrivée dans l’un de nos milieux éducatifs, en Ontario, à l’âge de 7 ans. «Choisir l’école publique de langue française, ça a beaucoup facilité mon parcours d’intégration. Savoir que je fais maintenant partie d’une communauté [et de comprendre] ce que je peux faire dans cette communauté, je pense que ça forge un petit peu la voie que j’ai décidé de prendre», explique la jeune femme. Impliquée et dynamique, récipiendaire de plusieurs prix à titre de récompense pour son leadership et son engagement, Yasmine étudie maintenant au doctorat en médecine, en français, à l’Université d’Ottawa.

Quelles sont les bonnes pratiques à mettre en œuvre pour inclure les élèves provenant de l’immigration récente dans nos milieux éducatifs francophones? Comment les aider à développer un sentiment d’appartenance à l’égard de l’école et de la communauté francophone, pour leur donner envie d’en faire partie? Des pistes intéressantes se dégagent de la conversation des deux femmes. Une partie de ces stratégies se retrouvent aussi dans le fascicule L’inclusion des élèves du secondaire issus de l’immigration récente, de notre série Comprendre la construction identitaire, auquel Yasmine et Marie-Claire ont d’ailleurs collaboré.

Accueillir

L’accueil, c’est si important! Pour bien accueillir les élèves et les aider à se familiariser avec les spécificités de leur nouveau milieu, plusieurs stratégies gagnantes peuvent être mises en œuvre. Le jumelage de ces jeunes avec d’autres élèves en est un bon exemple. C’est ce qu’a vécu Yasmine. «À l’école, il y avait des élèves [qui jouaient le rôle de personnes] mentores, elles-mêmes issues de l’immigration, chargées d’accueillir les nouvelles arrivantes et nouveaux arrivants. Ça permet de bien accueillir et d’inclure [ces élèves]. En même temps, ce sont des personnes dans lesquelles peut se voir la personne qui vient d’arriver. Ça peut certainement être rassurant de ce côté-là. Pour moi, c’était très positif comme expérience», explique-t-elle. D’ailleurs, c’est gagnant «d’avoir des modèles pour les jeunes. De voir que : Ah! Cette élève-là est issue de l’immigration, elle a un parcours semblable à moi», ajoute Marie-Claire.

Créer des liens

Pour favoriser l’inclusion des personnes issues de l’immigration récente, il est utile de les aider à découvrir plus amplement leur société d’accueil en créant des liens. Pour se faire, inviter les jeunes à participer à des activités propices à nouer de nouvelles amitiés, c’est toujours une bonne idée. À ce sujet, Marie-Claire explique que, dans son école, il y a de plus en plus «d’activités parascolaires auxquelles nos élèves [provenant] de l’immigration participent. C’est un beau modèle pour les années à venir. Chez ces élèves qui sont membres d’équipes sportives, je remarque une plus grande intégration ou une intégration beaucoup plus facile, puis une certaine sécurité linguistique aussi parce que [ces jeunes] ont la chance de tisser des liens [et de développer leur] confiance en soi», explique-t-elle.

D’ailleurs, selon Yasmine, toutes les activités autour de l’univers scolaire ont une grande importance dans le processus d’inclusion des jeunes. «L’école, c’est beaucoup plus que le côté académique. Tout le côté parascolaire, tout le côté bénévolat, équipes sportives, clubs, comités… Ça rajoute tellement au cheminement d’une ou d’un élève. C’est quasiment tout aussi important que la composante académique de l’école. Donc, si on permet aux personnes issues de l’immigration d’être incluses dans ces activités-là, ça leur donne quand même un background comparable aux autres. Ça les place dans une position de succès pour le reste de leur vie. Et ça facilite leur engagement au sein cette communauté», indique-t-elle.

Favoriser la sécurisation linguistique

Pour les jeunes provenant de l’immigration récente, ce n’est pas toujours facile d’apprendre le français ou de maîtriser les spécificités du français qui s’expriment dans nos communautés. Et tout ceci peut mener à de l’insécurité linguistique, une gêne de s’exprimer qui peut nuire à l’inclusion. Si on souhaite que nos jeunes puissent dépasser ce malaise et aient envie de continuer à parler en français, il est important d’en discuter dans le but d’amoindrir cette insécurité. C’est ce que croit Yasmine.

«[Il y a] des personnes qui sont nées ici [et qui peuvent vivre de l’insécurité linguistique par rapport] à leurs accents locaux [alors que pourtant, elles] ont un français qui est d’aussi grande valeur que le français plus standard. C’est un standard qu’on peut certainement appliquer aux populations immigrantes. Quand [une personne] ne parle pas le français au même niveau que ses collègues, ça peut la rendre un peu plus réticente à faire partie de l’école ou de la communauté. Donc, c’est certain que cette discussion sur l’insécurité linguistique peut bénéficier à tout le processus d’inclusion des élèves [provenant] de l’immigration», explique Yasmine. Quelques suggestions d’activités sont d’ailleurs à la disposition du personnel scolaire qui souhaite aborder ce sujet en classe.

En outre, pour miser sur la sécurisation linguistique des élèves, «c’est super important de [valoriser] tous les types de français, toutes les sortes d’accents. Ça ne fait que renforcer notre communauté franco-ontarienne ou franco-canadienne», poursuit l’étudiante.

Valoriser la diversité

Marie-Claire indique que des élèves de son école s’impliquent afin d’inclure les nouvelles personnes issues de l’immigration. «Dans le conseil des élèves, on a un rôle de vice-présidence socioculturelle, par rapport à la diversité de notre école, et aussi un rôle de vice-présidence au bien-être, qui s’occupe [entre autres] de l’inclusion», explique-t-elle par exemple.

En effet, l’inclusion des élèves provenant de l’immigration nécessite la participation de tout le milieu scolaire, et bien sûr des autres élèves. Dans cette perspective, il est essentiel de valoriser la diversité à l’école. De cultiver chez les jeunes l’ouverture à la différence, le respect et la curiosité. De plus, selon Marie-Claire, il est important de mettre en valeur l’héritage culturel de l’ensemble des élèves à l’école. Ça permet de faire briller la culture de chaque personne et d’en faire profiter toute la classe. Ça permet également aux personnes issues de l’immigration de se sentir écoutées, représentées et incluses dans leur école de langue française.

En plus, cette valorisation de la diversité à l’école démontre aux élèves provenant de l’immigration qu’il est possible de conserver et de faire briller leur culture d’origine, tout en participant à la culture d’accueil, c’est-à-dire, tout en faisant partie de nos communautés francophones. C’est ce que vit Yasmine. «Je parle arabe à la maison pour ne pas perdre cette partie de mon identité. C’est quelque chose qui me semble assez commun chez plusieurs personnes issues de l’immigration. Cette volonté d’absorber ce nouvel environnement, de se livrer à cette nouvelle communauté, mais en même temps, d’essayer de garder cette partie de soi qui est composée de notre culture d’origine», explique-t-elle.

«Au sein de la francophonie, on est capable de s’unir autour d’une langue qui nous est commune et je pense que c’est quelque chose de très précieux. [Les conditions propices à l’inclusion sont là] lorsqu’on atteint ce bel équilibre entre le vivre ensemble et des valeurs rassembleuses et qu’on arrive à garder notre singularité individuelle», ajoute l’étudiante.

Partager

En somme, en tant qu’intervenante ou intervenant éducatif, vous avez le mandat d’offrir des ressources et un appui utile à l’épanouissement des élèves provenant de l’immigration récente. Vous avez aussi l’objectif de leur faire découvrir la culture et la communauté francophone de votre milieu. Et ce, tout en favorisant l’ouverture et la valorisation de la diversité pour que ces jeunes aient envie de prendre leur place. Accueillir, favoriser la création de liens et soutenir les élèves dans leurs compétences langagières font également partie de quelques-uns des éléments à garder en tête pour y arriver. Parce que d’autre part, c’est toute l’école, et plus largement toute la communauté francophone, qui bénéficient de l’apport de ces personnes, de leur culture d’origine et de leurs façons distinctes de concevoir le monde. De cette façon, nos communautés francophones sont d’autant plus riches d’expériences, de perspectives et de créativités. L’inclusion des élèves provenant de l’immigration, «c’est un travail des deux bords» résume Yasmine. Un partage gagnant-gagnant qui vitalise et fait briller nos communautés, partout au Canada.

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