Et si on offrait du mentorat au nouveau personnel enseignant?
Enseigner, c’est un travail vraiment valorisant. Avoir un impact sur les apprentissages et l’épanouissement identitaire de nos jeunes, c’est toute une réalisation! Mais cette profession vient aussi avec des défis qui poussent les milieux à chercher des solutions. Le mentorat du personnel enseignant nouvellement en poste est l’une de celles qui sont proposées. Comment est-ce que ça fonctionne? Et quels conseils peut-on donner pour que le mentorat soit un succès? Pour le savoir, on a rencontré Geneviève Charron, accompagnatrice pédagogique à la Commission scolaire francophone des Territoires du Nord-Ouest, Jessica Fortin, enseignante et mentore ainsi que Sylvie Malo, enseignante et mentorée, à l’école Allain St-Cyr, à Yellowknife.
L’expérience aux Territoires du Nord-Ouest
Aux Territoires du Nord-Ouest, le mentorat du nouveau personnel enseignant est en œuvre depuis de nombreuses années, à l’initiative du ministère de l’Éducation, de la Culture et de la Formation. Cette expérience vise à accompagner tout nouveau personnel enseignant dans l’apprentissage des programmes, du cadre d’évaluation et des pratiques pédagogiques propres aux réalités du territoire, du conseil scolaire et de l’école.
Comment ça fonctionne? «On fait un pairage entre la nouvelle enseignante ou le nouvel enseignant et une enseignante ou un enseignant qui a plus d’expérience. Le programme gouvernemental finance du temps de libération pour que les personnes mentores et mentorées puissent travailler ensemble au courant de l’année. [Ce dernier] peut être utilisé selon leur besoin», explique Geneviève, qui soutient les services de mentorat dans le cadre de son poste. Cette dernière, qui a suivi la formation Enseigner: un choix professionnel pour la vie!, est d’ailleurs un peu «la mentore des personnes mentores», selon ses collègues Jessica et Sylvie.
Le mentorat, qu’est-ce que ça change?
On décrit parfois le mentorat comme une solution pour appuyer le personnel enseignant fraîchement diplômé, afin de faciliter l’arrimage entre les connaissances académiques et la pratique. On en parle aussi comme une aide utile pour les enseignantes et les enseignants provenant d’un autre milieu, afin de se familiariser avec leur nouvelle école. Et puis, on mentionne aussi que le mentorat peut être une bonne façon de soutenir la mise en œuvre des pratiques en construction identitaire pour les nouvelles personnes en poste. Qu’en pensent nos pédagogues?
«Moi, j’apprécie beaucoup le mentorat», explique Sylvie Malo, qui poursuit sa première année d’enseignement aux Territoires du Nord-Ouest, tout en ayant des années d’expérience comme enseignante au Québec. «Le mentorat, ça permet de légitimer, peut-être, comment on se sent quand on arrive, ce qu’on vit. Je ne suis quand même pas une débutante, mais quand je suis arrivée ici, j’étais décoiffée. Les repères ne sont pas les mêmes qu’au Québec. [Alors, avoir une mentore,] c’est vraiment aidant», commente-t-elle. «Je suis mentorée donc, je me sens à l’aise de poser toutes les questions [pour avoir les informations] dont j’ai besoin. Ça me fait quelqu’un qui peut me guider dans les différents [défis]», ajoute-t-elle. Selon l’enseignante, le mentorat peut «faciliter l’intégration à plusieurs niveaux: au niveau de l’école, de la matière, mais aussi de l’intégration sociale».
«Comme mentore, je trouve ça l’fun de pouvoir aider quelqu’un, ajoute Jessica. On a des niveaux rapprochés, ce qui fait qu’on a des discussions [vraiment ciblées sur nos besoins et ceux des élèves]. On parle d’autres choses par la suite, ça crée un lien. On se partage des pratiques.» L’enseignante explique par exemple apprécier partager ses apprentissages sur les réalités autochtones et sur le territoire: «En tant que mentore, c’est quelque chose que je peux apporter à l’autre personne parce que j’ai passé par là: quelle ressource on peut chercher, comment l’appliquer, [etc.]».
Pour les deux enseignantes, le mentorat est vécu dans un contexte d’accompagnement plus global. Et ce dernier a un grand impact. Jessica explique par exemple que, pour elle, c’est la culture de bienveillance et d’entraide de l’école qui lui a offert le soutien dont elle avait besoin en tant qu’enseignante récemment diplômée. «C’est vraiment l’équipe-école qui fait en soi la différence. Tout le monde qui m’entoure [peut jouer le rôle] de mentor», indique-t-elle. Sylvie mentionne d’ailleurs qu’«il y a vraiment une communauté francophone très accueillante. Tout le monde prend soin des nouvelles personnes», en soulignant à quel point c’est un appui agréable et facilitant.
Le mentorat, «c’est un échange», expliquent Sylvie et Jessica à l’unisson. En effet, les personnes mentorées «arrivent avec des expériences, des connaissances, des pratiques. Elles peuvent partager, apporter [de nouvelles façons de faire] à la culture de l’école. [Par exemple,] Sylvie a amené une pratique qu’elle utilisait au niveau de l’autonomie. Puis, finalement, c’est tout le monde qui a adopté cette pratique-là», explique Geneviève.
Comment faire du mentorat un réel succès?
La pratique du mentorat vous intéresse? On a demandé aux trois pédagogues franco-ténoises de nous partager leurs conseils.
Créer de bonnes équipes
Pour que l’expérience du mentorat soit la plus enrichissante et positive possible, il faut bien sûr former de bons duos. Le pairage doit être fait «en fonction de ce qu’on anticipe de la personnalité, des besoins de chaque personne», explique Geneviève, en plus de considérer la compatibilité des niveaux scolaires des personnes mentores et mentorées, dans la mesure du possible. La réussite du mentorat dépend aussi de la personnalité des personnes, précise-t-elle. Le personnel enseignant mentoré doit être ouvert au mentorat, se sentir à l’aise de poser des questions et de s’engager dans son développement professionnel. De même, les personnes mentores doivent notamment être à l’écoute, avoir de la patience et être empathiques.
Mais justement, comment devrait agir une bonne personne mentore, au-delà de soutenir l’apprentissage des pratiques et des programmes? «Je pense qu’elle doit te sortir de ta zone de confort, [t’inviter à] explorer. Il y a une partie [de son rôle] qui est d’accueillir le personnel enseignant, mais il faut aussi, je pense, amener les gens à réfléchir puis essayer des choses différentes, accompagner [l’autre] dans la prise de risques», commente l’accompagnatrice pédagogique.
Donner du temps
Sylvie spécifie qu’il est essentiel d’avoir du temps de libération pour se consacrer pleinement au mentorat, afin que ce ne soit pas une charge de travail supplémentaire trop accaparante. Elle souligne l’importance de s’approprier les pratiques et les programmes, mais mentionne aussi qu’il serait idéal d’avoir «du temps pour s’asseoir avec la mentore et planifier l’année, pour voir venir» l’année d’enseignement.
De plus, le mentorat ne devrait pas nécessairement être limité dans le temps, explique Geneviève. «Les besoins d’accompagnement des enseignantes et enseignants n’arrêtent pas un an après leur arrivée». Il est donc nécessaire, ne serait-ce qu’informellement, de rester à l’écoute des collègues et de continuer à les appuyer au besoin.
Se dérouler dans une culture scolaire positive
Comme l’ont témoigné Jessica et Sylvie, une culture scolaire de bienveillance a toute son importance. C’est le cadre plus propice à ce que le mentorat soit un succès marquant. L’accueil, l’entraide et l’esprit de collaboration sont quelques-unes des caractéristiques des cultures scolaires qui donnent les meilleurs résultats. «On a du personnel extraordinaire à l’école qui a plein de super belles qualités, de super belles compétences», explique Geneviève. Il faut travailler «à ce que les conditions soient là pour que puissent émerger les meilleures pratiques, puis [faire briller] les meilleures qualités de notre personnel enseignant», mentionne-t-elle.
Travailler en amont
Pour Jessica, un bon programme de mentorat doit prévoir des informations en amont. C’est-à-dire que les personnes mentorées devraient «recevoir les documents du curriculum [et autres informations pertinentes] à l’avance et avoir une journée d’accueil avec au moins une des personnes mentores avant que l’école commence». Puisque ça aide à la préparation et à «réduire la charge mentale» du nouveau personnel enseignant, précise-t-elle.
Offrir un soutien et un suivi souple
Assurer le suivi du mentorat en continu est une bonne idée pour que le mentorat perdure dans le temps, explique Geneviève. Il faut cependant viser un juste équilibre afin que ces suivis n’alourdissent pas la tâche des personnes mentores et mentorées. Pour que le mentorat se déroule dans un cadre idéal, la souplesse est de mise!
En conclusion?
Le mentorat n’est pas une solution miracle, soutiennent les 3 pédagogues. Mais en réunissant les bonnes conditions, il peut être facilitant pour appuyer l’intégration du nouveau personnel enseignant. Leur offrir du support. Et motiver leurs apprentissages. Dans ce cas, le mentorat peut favoriser leur bien-être, voir leur épanouissement, tout en alimentant une culture scolaire d’échanges et d’innovation. Une bonne idée pour celles et ceux qui souhaitent rendre nos écoles de langue française plus attractives. Parce qu’évidemment, au bout du compte, tout ceci est en faveur du développement scolaire et identitaire de nos jeunes. Et de toutes nos communautés.
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